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Les contraintes vestimentaires au travail

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Les contraintes vestimentaires au travail



LES LIBERTÉS INDIVIDUELLES DES SALARIÉS
ne s'arrêtent pas aux portes de l'entreprise. Selon le principe posé par l'article L.120-2 du Code du travail, l'employeur ne peut les limiter sauf s'il démontre que la tâche à accomplir par le salarié justifie des restrictions, lesquelles doivent être proportionnelles au but recherché.

Ces principes s'appliquent à la liberté de se vêtir. Concrètement, s'il ne peut imposer arbitrairement des contraintes vestimentaires aux salariés, un employeur peut toujours encadrer cette liberté dès lors qu'il justifie d'un intérêt légitime. Tel est le cas lorsque certaines règles de décence ne sont pas respectées. Le licenciement d'une comptable, qui malgré une mise en garde du patron, persistait à venir travailler en chemisier transparent et sans soutien-gorge a ainsi été admis par la Cour de cassation.

Hormis cette hypothèse un peu particulière, c'est essentiellement le contact avec la clientèle qui, aux yeux des juges, légitime un droit d'ingérence de l'employeur sur l'apparence des salariés. On note toutefois que la décontraction gagne du terrain. Outre les entreprises anciennement baptisées start-up ou le jean est de rigueur, bon nombre de grandes sociétés pratiquent le " casual friday", c'est-à-dire la possibilité de venir travailler en tenue moins guindée le vendredi. Aux États-Unis, de plus en plus d'employeurs autorisent les tenues décontractées tous les jours, compte tenu de leur impact positif sur le moral des employés. Évidemment, c'est aussi une stratégie d'intégration aux valeurs de l'entreprise et aux objectifs de productivité...

À l'inverse, certaines entreprises imposent le port d'un uniforme ou d'une tenue particulière aux salariés. Ici, ce sont essentiellement les règles d'hygiène et de sécurité qui peuvent justifier une telle contrainte.


Salariés en contact avec la clientèle
Ce critère, en tant que tel, est bien trop flou : beaucoup de salariés travaillent en contact,
direct ou indirect, avec le public. Si la jurisprudence n'est pas véritablement fixée en la matière, il semble que les juges acceptent certaines contraintes vestimentaires, surtout pour les salariés qui exercent, en quelque sorte, une fonction de "représentation de l'entreprise": cadres d'un certain niveau qui personnifient l'entreprise auprès des tiers ou métiers d'accueil et de vente dans des cas particuliers.

Par exemple, la Cour de cassation a donné raison à un employeur qui interdisait à la secrétaire d'une agence immobilière de venir travailler en survêtement. De même, le licenciement d'un veilleur de nuit qui refuse de porter une cravate alors qu'il est en contact avec la clientèle et que la classe de l'hôtel (trois étoiles) justifie une tenue "correcte", a été considéré comme légitime. En revanche, la cour d'appel de Versailles a décidé que le fait de porter la barbe, des cheveux longs et une boucle d'oreille pour un employé libre service dans un supermarché ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Un jugement récent du conseil de prud'hommes de Tours considère qu'il en est de même pour une vendeuse dans un magasin de meubles qui refuse d'ôter son piercing nasal.


Le port du voile islamique
Un employeur peut-il licencier une vendeuse au motif qu'elle refuse d'ôter son voile? La cour d'appel de Paris y a répondu récemment par l'affirmative.

Embauchée au rayon fruits et légumes d'un magasin situé dans un centre commercial, une salariée pratiquant la religion musulmane obtient l'autorisation de son employeur de porter pendant le travail un foulard noué en bonnet lui dégageant le visage et le cou. Mais quelques semaines plus tard, elle se présente à son poste avec un foulard lui dissimulant le cou et une partie du visage. Les juges ont considéré que le refus de l'employeur était justifié "par la nature de la tache a accomplir par une vendeuse nécessairement au contact des clients au sein du centre commercial de " La Défense " dont la conception, destinée à un large public dont les convictions sont variées, impose en conséquence a ceux qui y travaillent la neutralité, ou, à défaut, la discrétion dans l'expression des options personnelles". En conséquence, " le refus de la salariée de renoncer a une coiffe selon des modalités en réalité non nécessaires au respect de ses croyances, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement".


L'affaire du bermuda
Au cours de l'été dernier, le licenciement d'un salarié, parce qu'il portait des bermudas au travail, a été largement médiatisé. Voici un bref rappel des faits. Engagé en qualité d'agent technique des méthodes par la Sagem, Cédric Monribot travaille habituellement en blouse, conformément aux directives de son employeur. Au mois de mai 2001, en raison de la chaleur excessive régnant dans son bureau, il décide de venir travailler en bermuda, tout en conservant la blouse réglementaire. Mais la direction ne l'entend pas de cette oreille et lui ordonne
de porter un pantalon, ce qu'il refuse catégoriquement. Licencié, Cédric Monribot saisi la juridiction prud'homale, en référé, dans le but d'obtenir sa réintégration dans l'entreprise. Il n'attaque donc pas sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, mais sur l'existence d'un trouble manifestement illicite causé par la violation d'une liberté individuelle, celle du libre choix de la tenue vestimentaire au travail. Une stratégie qui échoue. Contre toute attente, les juges ont considéré que le droit de se vêtir librement ne constituait pas un droit fondamental et refusé la nullité du licenciement. Un pourvoi en cassation va certainement être décidé.

" Le bermuda interdit au travail", "pas de bermuda pour aller travailler", etc. Aussitôt, la presse a rendu compte de l'événement, mais de façon inexacte. Dans cette affaire, les juges ne se sont pas prononcés sur la possibilité ou non d'aller travailler en bermuda, mais sur le point de savoir si l'entrave de l'employeur à la liberté individuelle de se vêtir constitue la violation d'un droit fondamental. Une réponse négative ne signifie pas pour autant que le licenciement d'un salarié parce qu'il porte des bermudas est justifié. Seule la saisine du conseil de prud'hommes "sur le fond", c'est-à-dire en sa formation normale pourrait permettre d'y répondre.

En tout état de cause, on voit mal quel argument de l'employeur pourrait légitimer son refus de voir un salarié, sans contact direct avec la clientèle, porter "une élégante culotte courte beige avec ceinture".

 

· Blouses et uniformes
Un employeur ne peut imposer une consigne générale, y compris dans le règlement intérieur, telle que l'obligation de porter une blouse au travail sans justifier cette mesure par la nature de la tâche à accomplir. Le licenciement d'un salarié engagé en qualité de conducteur dans un atelier qui refusait de porter une blouse a ainsi été considéré comme sans cause réelle et sérieuse, les juges ayant considéré que cette restriction à la liberté individuelle de se vêtir n'était pas justifiée.
En revanche, Si l'employeur justifie de risques particuliers, il peut imposer le port de chaussures de sécurité.

De la même manière, la clause d'un règlement intérieur qui impose aux personnels d'une entreprise de pose et d'entretien d'ascenseurs de porter une tenue de travail est licite dès lors qu'elle s'explique par des considérations de sécurité liées à l'accomplissement de cette activité.

 

· Port d'un uniforme non prévu par la convention collective
Un arrêt du 16 janvier 2001 de la Cour de cassation a décidé que le port d'un uniforme ne pouvait être imposé contractuellement à défaut de convention collective le prévoyant (Cass. soc. 16 janv. 2001, pourvoi n' 98-44.252, JSL n0 74 du 27 fév. 2001, p. 27). Engagés en qualité de surveillants par le syndicat des copropriétaires d'une résidence, deux salariés sont licenciés pour avoir refusé de porter l'uniforme alors qu'une clause de leur contrat de travail l'imposait. Or pour la Cour de cassation, le contrat individuel de travail ne pouvait comporter de restrictions plus importantes aux libertés individuelles que celles prévues par la convention collective nationale des gardiens, concierges employés d'immeuble; et ce texte imposait port d'un uniforme uniquement pour certaines catégories de personnel auxquelles n'appartenaient pas les salariés licenciés.

Une décision fort logique au regard du célèbre principe de faveur posé par l'article L.135-2 i Code du travail: " Lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif de travail, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclu avec lui, saut dispositions plus favorables".

 

La nouvelle Vie Ouvrière (28 décembre 2001)